On pourrait dire que, comme Obélix, il est tombé dedans quand il était petit. De deux parents chercheurs au CERN, il découvre très tôt les inspirants laboratoires du plus grand centre de physique des particules du monde, à Genève, et intègre rapidement la recherche comme projet de vie à part entière. Une raison d’être qui le mène de la classe préparatoire à l’Ecole Normale Supérieure, avant de rejoindre le CNRS en 1986. D’abord installé à Paris, il déménage à Lille en 1997, où il réside toujours et rejoint le laboratoire PhLAM (Physique des Lasers, Atomes et Molécules).
Le partage en devoir certes, mais en amour aussi.
Quand on questionne M. Verkerk sur son rapport à la médiation scientifique, il répond simplement satisfaire une obligation vis-à-vis de la société. Puisque celle-ci le paie pour effectuer sa recherche, il lui doit le partage de son savoir et ses découvertes. Le partage en devoir certes, mais en amour aussi. Car selon lui, le grand public ne mesure pas suffisamment l’importance de la physique : rares sont ceux par exemple qui se rendent compte de leur utilisation quotidienne de la technologie laser.
Vulgariser. Faire comprendre. Amuser.
Si la société ne pousse plus les jeunes à aller vers les sciences, il tente d’inspirer des vocations en accueillant chaque année des collégiens lors de stages découverte. Il espère ainsi rendre plus « sexy » un domaine que l’éducation nationale n’aborde que d’un point de vue technique, à grand renfort de manipulation et maquettage. Il s’agit de montrer la physique autrement que ce qu’ils voient en cours. Le visuel prime, la parole aussi. Vulgariser. Faire comprendre. Amuser.
Participer aux événements de culture scientifique est devenu chez lui une habitude. 1992. La Science en Fête voit le jour pour faire connaître à tous les Français le monde de la recherche. Presque trente ans plus tard, l’événement, qui a vu son nom changer en Fête de la Science, existe toujours et mobilise de plus en plus de participants. Philippe Verkerk y répond présent chaque année. Membre et animateur de l’association Physifolies, avec son collègue et voisin de bureau Daniel Hennequin, lui aussi physicien et vulgarisateur, LE papa de notre série Kézako, il sensibilise petits et grands à la beauté des sciences. Susciter l’étonnement, comme pour faire perdurer son enthousiasme d’enfant face à la découverte. Car c’est aussi, et surtout ça, la vie de scientifique. Faire avancer la connaissance par un fervent investissement empreint de candeur et de malice.
Montrer à Monsieur Tout le monde ce qui se passe dans les laboratoires.
M. Verkerk aime montrer à Monsieur Tout le monde ce qui se passe dans les laboratoires. Il aime aussi les échanges avec les étudiants lillois qu’il côtoie à l’université. Selon ses dires, ils représentent la force vive de la recherche puisque ce sont eux qui font tourner les manips : bien qu’ils n’aient pas encore la capacité de discernement et d’analyse des données, les discussions sur les résultats qui s’en suivent peuvent s’avérer fructueuses.
Au sein du PhLAM, ses recherches portent sur la dynamique des atomes froids. Un gaz (comme l’air par exemple) est constitué d’atomes ou de molécules qui s’agitent dans tous les sens. Leur température et leur vitesse moyenne sont liées : par exemple, à température ambiante, leur vitesse moyenne est de 300m/s. Grâce aux lasers, on peut réduire cette vitesse jusqu’à atteindre des températures proches du zéro absolu (-273 °C) à quelques millièmes ou millionièmes de degré près, bien plus froides que tout ce qui existe par ailleurs. Et dans ces conditions, les atomes ne se comportent plus comme à température ambiante : c’est sur cette « dynamique » que travaille Philippe Verkerk.
Philippe Verkerk. Un passionné passionnant
Le mot passion n’est ici peut-être pas le plus approprié car si M. Verkerk est avide de Science, il l’est aussi de latin. On soulèvera donc la racine du mot passion, passio, formé sur le participe passé du verbe patior qui signifie « souffrir ». Sa femme, latiniste, lui a transmis le goût pour cette langue morte pourtant bien vivante puisque toujours utilisée dans la formation de néologismes. Avec Yves Ouvrard, professeur de latin à la retraite et créateur du programme Collatinus, il a porté l’application Collatinus, un lemmatiseur et analyseur morphologique de textes latins, sur le site de l’Équipex Biblissima. Pour que les enthousiastes de Platon ne soient pas en reste, il a créé l’application Eulexis, pendant grec de Collatinus. Il s’adonne au perfectionnement de ces programmes durant son temps libre. D’ailleurs, du temps libre, il ne doit plus lui en rester beaucoup… L’équipe d’Unisciel le remercie de lui en avoir cédé, afin de répondre aux questions de ce portrait.
Le dico de Philippe Verkerk :
Science : résoudre les énigmes de la nature et répondre, de façon fiable et reproductible, aux questions que l’on se pose.
Recherche : aller chercher là où la curiosité nous emmène. Un ensemble de trouvailles anodines qui font de grandes constructions. C’est la recherche d’hier qui fait la technologie d’aujourd’hui, et celle d’aujourd’hui qui forge le monde de demain.
Article de Carole Labie, avec l’aimable participation de Daniel Hennequin.